Crédit photo: Joseph Yarmush
« La musique
de Malajube est un hologramme de musique pop : des mélodies éclatantes,
projetées dans des dimensions fascinantes. Envoûtant »
Trop
précis, trop éclaté et décalé pour n’être que de la pop ludique, Malajube joue dans sa bulle et laisse planer un doute. D’oû
vient cette aisance dans les mélodies? D’oû part cette force, cette unité de
ton et de jeu? Oû va-t-elle, cette apparente insouciance, une fois sortie de la
Caverne et du Labyrinthe?
Que
leur bulle éclate avec le succès auquel ils sont promis ne changera rien à
l’affaire : Malajube cherche et vient nous chercher.
En
2004, les quatre gars de Sorel-Tracy forment leur groupe comme une famille,
puis se lancent tête première dans la création. L’intérêt que Malajube suscite
auprès du public et des médias est très rapide. Les premières critiques sont
élogieuses, les suivantes confirment cette impression durable que le groupe suscite
autour de lui. Aujourd’hui Malajube dispose de quatre albums qu'il faut voir –
et écouter - comme une sorte de polygone captivant l’imagination autour de
lui. La leur, la nôtre, grâce à des mélodies et des textes en trompe-l’œil, pour
sonder les liens amoureux, les distances qui nous séparent parfois des autres
et du monde autour de soi.
Tout en relief
Thomas Augustin, Francis Mineau, Mathieu
Cournoyer et Julien Mineau sont des musiciens confirmés. Sur leur premier
album, Le compte complet (2004), la qualité est patente et les choix
artistiques sont établis, ils seront développés sur Trompe-l’Oeil (2006), puis élargis sur Labyrinthes (2009) et La
Caverne (2011). Les chansons sont souvent faites d’un bloc : clavier,
batterie, basse guitare partent ensemble et arrivent ensemble, poussant les
mélodies sans relâche dans un crescendo continu, et dont la chanson
"333" est un bel exemple. Sonorités proches du Rock dit
« progressif », que la guitare et le chant éloignent aussitôt, les
tirant vers un Rock plus dur. Le synthétiseur et la basse reviennent alors, plus "Pop",
et à partir de là, les refrains transforment la chanson en un hymne futuriste
qui se déploie tel un hologramme sonore. "Le tout-puissant" est de
cet alliage.
Tout est dans l’un et l’un est dans le tout.
Le chant se fond parmi les instruments, se coule dans les veines du coda,
laisse flotter les paraboles, les métaphores comme autant de créatures
phonétiques réunies par le courant électrique qui les porte.
Les mots planent et les instruments se
suivent, se répondent, toujours.
Il
est question de lien et de distance. Si « La
Monogamie »« Luna », « La Valérie » ou « Étienne
d’aout » tracent des rapports avec l’autre, « Radiologie »,
« Ibuprofène », « Le crabe », « La maladie » ou
« Les dents » expriment la distanciation avec l’extérieur, avec les
objets comme avec les corps.
Jubilatoire
La
musique de Malajube parle au plaisir instantané qui ne demande qu’à éclater au
fond de nous. Les refrains semblent surfer sur d’autres refrains dans la même
chanson (les très belles « Ursuline » et "Porté disparu"),
les mélodies libérant les endorphines en cascade. On songe à de la musique sérieuse qui n’as pas besoin de
l’être. De la musique qui n’est pas faite pour nous libérer, mais pour nous
rappeler que nous sommes libres, ici et maintenant. Libres de démesure. Libres d’être
exalté sans être superficiel, d'être léger comme l'air et de ressentir le
vertige. Les ruptures de tons qui rythment judicieusement les chansons de
Malajube unissent ces contrastes et donnent de la force à leur
musique.
Les
textes de Julien Mineau s'accordent bien avec cette partition, en évoquant des
situations saisissantes qui plongent le sujet au coeur de turbulences. Le sens
laisse parfois la place à la musicalité des mots. Des mots à lire entre les lignes, et
dans la continuité de l'album. Les titres sont bien choisis: courts, vifs,
délirants, attirants.
Leur
musique plaît, bien au delà du Québec - terre fertile pour ce genre
d'expériences musicales - et le groupe tourne sans arrêt autour du monde (si
vite, si loin), récoltant éloges et prix. S'exporter dans sa langue natale, le
Français, donne d'ailleurs à Malajube l'occasion d'être un peu plus original
sur les scènes du Japon ou d'Autriche. Jouer hors de ses frontières va de soi
quand on cherche à atteindre l'autre autant que soi-même.
Ce
groupe a des choses à dire, et pariez que le spectre de son langage s'élargira
dans les années à venir. Malajube nous offre déjà une vibrante expression de sa
mélodie intérieure.