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samedi 28 septembre 2013

Pochettes surprise bis

Voici d'autres trouvailles auxquelles j'attache une grande importance. La musique passe par l'image, et, à 10, 12 ans, les vinyls 33 tours me paraissaient vraiment grands. Aujourd'hui, alors que toute la musique se retrouve sur un seul nano support, je redécouvre l'aspect géométrique des vinyls : des images grands format, un graphisme carré qu'on ne retrouve plus nulle part.
Album "f#a#  " (1997) de godspeed you black emperor!, avec des suprises à l'intérieur : en plus de la galette noire,  une affichette qui présente un graphique de la "machine ruinée" (espoir-peur, regret-désir), un carte d'annonce de concert à l'Olympia de Montréal, la fiche technique de l'album, ainsi qu'une pièce de 1 cent aplatie par le train qui passe au pied du studio du groupe situé dans le bâtiment visible sur la photo de la pochette. On aura compris que godspeed aime les énigmes et l'anonymat médiatique. À l'image de sa musique anti impérialiste, lugubre et hypnotique.

Double album de 1976: merengue, mambo, cha-cha, creole waltz, tango, etc...,  contient le titre "Latin shalom" (!) 

On ne présente plus cette compilation de 1971 (ici édition canadienne). Acheté à prix très modique, je  me dis qu'il s'en est tellement écoulé que c'est à peine un truc de collection...

On remonte le temps jusqu'en 1967 avec cet album publié par Pickwick records via Capitol records, édition canadienne en excellent état. Un autre très beau cadeau. Le fond bleu est typique des couleurs de l'époque, Nat king cole est dans ses beaux habits, sa biographie est résumée au verso, deux qualités qu'on mettait en avant à l'époque.

Un groupe essentiel, une voix et des guitares originales nées dans le punk et qui n'ont cessé de mûrir par la suite sans accroc.  "Metal Shadows" est le premier maxi sorti par le groupe. Les titres ont été enregistrés en 1977 et 1978 en pleine effervescence chaotique. Ce vinyl a beaucoup, beaucoup tourné sur la platine d'une personne chère à mes yeux...

jeudi 26 septembre 2013

Pochettes surprise.

En effectuant un tri parmi les quelques albums en vinylite noire que je possède à Montréal (une plus vaste collection dort sagement dans un meuble près de Paris), j'ai eu plaisir à revoir ces quelques perles du genre. Je les adore pour le son et pour le visuel, inséparables comme les deux faces d'un même monde.
Voici un cadeau reçu l'année dernière pour ma fête : un splendide double album  écologique qui a été sauvé du néant. Un vrai miracle de la nature qui vous laisse entendre d'incroyables imitations animales afin d'entrer en transe avec la nature. Année inconnu, disques presqu'îles. Contient les titres Orignal, Chevreuil, Outarde, Corneille (pas le chanteur), Coyote, etc...

Cet album de 1973, publié pa Telefunken - Decca présente  des titres entièrement composés avec un synthétiseur Moog, nouveau à l'époque. C'est en quelque sorte une présentation de l'éventail des instruments originaux qu'un appareil électronique peut reproduire à la perfection (c'était alors la vocation des synthétiseurs). Contient le thème Krimoogulus (!)

Cet album acheté 1 $ dans un vente de garage (avec l'album précédent) est parfait pour les soirées Mariachis-Tequila. Sous le regard de braise se cache le guitariste Tom Tedesco qui participe ici à la série The 50 guitars of Tommy Garrett. Son stéréophonic qui prend peu de rides.

Vous pouvez admirer ici l'intérieur de la pochette dépliante du premier album éponyme de The Velvet Underground, réédité en 1988. Les textes qui illustrent les photos du groupe sont les pires critiques que le groupe avait alors lu dans la presse. Démarche délicieusement anti-commerciale pour un album complètement dénigré, jusqu'à ce que la carrière solo de Lou Reed prenne son véritable envol vers 1974. Cet album "Banane" est le fruit défendu du rock underground pour encore longtemps.

Triple album acheté uniquement pour son prix dérisoire (5 $)  et l'objet qu'il représente: un coffret de trois vinyls avec un poster de feu Georges le Beatles proche de la nature. Édition originale que je n'ai pas encore écoutée. Toutes les choses doivent passer, dit le titre, mêmes ces improbables et fantastiques bottes en vinyle (elles aussi), dignes témoignage d'un authentique puriste.

jeudi 12 septembre 2013

Syrie, le dilemme. Et ensuite?


Je ne parle pas syrien
mais je comprends ce qui se passe
à Damas ou à Homs.
Je parle la langue
de la raison et des idéaux
mais choisir est une épreuve.

La situation critique en Syrie nous pose à nous, citoyens des puissantes nations occidentales, un défi que nous ne connaissons que trop bien : comment se comporter lorsqu'une guerre interne éclate dans un pays étranger. À chaque fois qu'un conflit armé se déroule au sein d'une nation, pour peu que nous éprouvions de l'empathie ou que nous aspirions à un monde en paix, nous sommes pris dans un dilemme moral de taille. En effet, il nous est très difficile de décider si nous devons intervenir ou pas, et si nous intervenons, où, quand et comment. Ce dilemme moral nous paralyse car nous ne savons pas toujours trop bien comment y faire face, ni comme en sortir. Ne rien faire? Ne rien penser? Cet échappatoire ne lavera pas notre conscience de ce tiraillement intérieur qui n'est pas inéluctable. Car nous avons toujours le choix. Celui de choisir, justement, de décider et de défendre notre moralité plutôt que d'y être enchainé.

Que ce soit dans la presse écrite, télévisée ou sur internet, que ce soit dans les discussions orales ou écrites, dans la rue ou sur des réseaux sociaux, j'entend et je lis notre désarroi et notre perplexité. Pour la plupart, nous ne savons pas quoi faire pour agir dans le conflit interne qui ronge la Syrie depuis mars 2011. J'écoute un examen de la situation qui ne débouche que sur un dilemme moral (a Catch 22 en Anglais) sans fin. Alors, agir ou pas? Quand? Comment?

Sortir du dilemme

Face à un dilemme, notre mode de pensée, notre logique trouve ses propres limites. Notre rationalité limitée met notre cohérence à l'épreuve, elle nous paralyse en quelque sorte, jusqu'à ce que nous finissions par agir, poussé par les évènements. Faute d'un examen de conscience courageux et lucide, nous retombons, à chaque nouvelle guerre dans le même dilemme et nous sommes incapables d'en sortir. Chaque conflit est particulier et mérite un examen spécifique, mais malgré tout, nous fonctionnons toujours avec la même logique limitée et nous heurtons toujours au même dilemme avec un sentiment d'impuissance.

Notre analyse du dilemme se fait presque toujours selon la logique vrai/faux, bien/mal, bon/mauvais, facile/difficile, sécuritaire/risqué, avantageux/désavantageux, pertinent/superficiel, rentable/non rentable. Nous sommes donc enclin à chercher la meilleure solution, celle qui ne sera ni fausse ni mal ni mauvaise ni difficile ni désavantageuse ni superflue. Nous cherchons la solution qui permettra de résoudre le conflit syrien ou, au moins, qui permettra de résoudre notre conflit intérieur. Or, en cherchant la solution idéale, acceptable sur tous les plans et neutre, nous réalisons que nous ne pouvons pas tout obtenir ni tout résoudre. Pourquoi? Parce que, la plupart du temps, il n'existe pas de solution idéale pour résoudre un conflit. Et souvent aussi, comme en Syrie, il n'existe même pas de demi-solution.

En cherchant la meilleure solution, tant sur le plan militaire, que politique, tant au niveau humain que géopolitique, aussi bien d'un point de vue intellectuel qu'émotionnel, notre logique se heurte au réel. Résultat, nous vivons un dilemme moral dont nous somme incapables de sortir car nous ne savons pas choisir quand la situation ne peut pas se réduire à une distinction entre le bien et le mal ou entre le bon ou le mauvais, le sûr et le risqué. Nous voulons aider les civils, mais nous ne voulons pas intervenir dans le conflit. Nous voulons internvenir, mais nous ne voulons pas prendre parti. Nous ne voulons pas intervenir, mais nous ne voulons pas laisser des gens mourir. Autant de situations inconfortables que nous vivons de façon durable à chaque fois qu'un conflit de ce genre éclate.

Le discours binaire

Pour ma part, je crois que nous devons dépasser notre logique simplificatrice qui nous enjoint à trouver la meilleure solution car elle nous empêche de faire des choix éclairés et assumés. Analyser la situation et peser le pour et le contre est nécessaire, bien entendu, mais cela est insuffisant pour décider ce que nous voulons et pouvons faire.

En occident, nous avons l'habitude de penser qu'à tout problème il existe une solution qui est la bonne à tout point de vue, mais quand il s'agit de la trouver, nous sommes démunis car nous raisonnons selon une logique problème-solution, alors que nous devrions réfléchir dans le sens situation-choix. Quand notre examen de la situation commence par la recherche du problème, du mal et du coupable, nous présumons que nous pouvons apporter le bien et que nous sommes innocents. En réfléchissant de la sorte, nous cherchons une solution qui sera biaisée et qui nous donnera l'illusion d'être neutre et bienfaiteur.

Souvent, nous cherchons indirectement une manière d'agir qui ne nous engage pas pour l'avenir. Nous espérons qu'une fois le conflit réglé, le problème s'effacera de lui même puisqu'il aura été résolu. Or le monde ne tourne pas de manière cartésienne et cohérente. Le monde n'est pas une somme de problèmes qu'il faut résoudre un à un pour atteindre le bonheur. Le réel n'est pas réductible à une somme de lois morales qu'il faut appliquer partout. En pensant ainsi, nous ne faisons que retarder l'heure du choix et les choix finissent par s'imposer à nous à force d'avoir cherché à trouver une solution logique.

Je ne dis pas que nous devons éviter d'être logique ni de changer notre logique (processus très lent qui s'étend sur plusieurs générations), je dis que nous devons la dépasser et réfléchir davantage en termes de choix.

Nous ne sommes pas dupes, et une partie des citoyens est probablement bien consciente, comme nous, qu'il lui est difficile de sortir du dilemme lorsqu'on se met à réfléchir aux conflits dans le monde. Le discours de nos dirigeants politiques, des médias, des présentateurs et analystes qui se prononcent publiquement sur ces questions présentent presque systématiquement la situation sous l'angle problème-solution ou selon une logique qui ne permet pas aisément de se décider et de choisir en tant qu'individu. On nous confronte systématiquement à notre dilemme par un recours aux clichés, à l'émotivité, par la recherche effrénée d'un consensus; les multiples facettes d'un problème sont présentées de manière continue, superposées en une mosaique d'images aveuglante, tandis que des causes sous-jacentes dudit problème sont voilées et n'apparaissent qu'en filigranne. Réfléchir dans ce dédale n'est pas simple.

Collectivement, nous sommes conditionnés par un discours binaire que nous remettons peu en cause. Les citoyens indécis et incapables de surmonter la logique prédominante perpétuent donc, inconsciemment ou pas, la référence à une logique limitative. L'éducation prend le relais en propageant une vision simplificatrice du monde et de ce qui s'y passe. En définitive, dans notre mode de pensée, le choix devient le dernier élément d'une longue analyse qui vise à satisfaire la recherche de la meilleure solution. Une fois appliqué, ce choix vient en contradiction avec le réel et remet en cause notre logique. Puis, une fois la guerre terminée - elle se déroule rarement comme prévu - plutôt que de remettre en cause notre logique, de chercher les failles dans notre raisonnement, nous observons ce qui dans le réel a pu empêcher notre solution de se réaliser. La table est alors mise pour que nous répétions le même schéma lorsqu'un prochain conflit éclatera.

Impossible conciliation

Concrètement, dès qu'il est apparu qu'en Syrie la révolte populaire ne débouchait pas sur un changement de politique satisfaisant pour la population mécontente de son sort, que les revendications sociales, économiques et politiques avaient fait place à un conflit armé (été 2011) nous avons dû nous demander quoi faire. Entre l'été 2011 et le printemps 2012, le nombre de morts, de réfugiés, les répercussions dans les pays voisins ont atteint une ampleur telle que nous avons commencé à vivre - pour la plupart - un cas de conscience : nous n'avons plus eu le choix de nous demander s'il fallait ou non intervenir. (En tant que citoyens des grandes puissances, avons-nous encore le choix?)

Motivé par notre besoin d'examiner la situation pour comprendre et (dé)motivé par notre nécessité d'affronter progressivement notre dilemme, nous ne nous prononçons pas. Souvent incapables de dépasser notre dilemme, puisque la complexité de la situation ne permet pas une solution idéale, nous choisissons d'examiner l'évolution de la situation, en espérant que la situation deviendra moins complexe, et qu'elle nous permettra de trouver la solution au problème. Attentistes, nous nous mettons à espérer que les choses s'arrangeront. Mais la situation ne s'arrange pas : le conflit dégénère en guerre civile et la situation devient de plus en plus complexe à mesure que les évènements se succèdent.

Depuis trop longtemps, les opinions - y compris la mienne -, les discussions, les discours politiques, les analyses médiatiques ressemblent à une improbable feuille de route sans direction ni repères :

- Qu'Assad quitte le pouvoir, mais sans qu' un autre dirigeant autoritaire prenne les rennes de la Syrie;
- Intervenir pour détruire la capacité d'Assad de poursuivre la guerre, mais sans tuer des innocents;
- Limiter notre intervention à une offensive aérienne, tout en craignant que cela ne soit insuffisant;
- Soutenir l'opposition, mais seulement si elle est jugée favorable à la démocratie;
- Défendre notre idéal de démocratie, mais ne pas intervenir dans les affaires intérieures syriennes;
- Éviter d'être pris pour cible.

Sur le plan moral, il est fort possible que nous souhaitions davantage :
- Exprimer notre douleur, notre compassion ou notre inconfort;
- Agir pour le bien de tous;
- Ne pas avoir de sang sur les mains;
- Ne pas avoir de remord sur la conscience;

Notre ambition de mettre en équation logique toutes ces propositions n'est pas raisonnable. Elle est louable mais vaine, tant il est vain d'espérer obtenir à la fois la paix, la stabilité, la réconciliation nationale, la non-ingérence. Il ne s'agit pas de concilier une somme de propositions inconciliables ou contradictoires, mais de privilégier - en acceptant des sacrifices - la ou les quelques propositions que nous jugeons moralement capitale ET qui soient applicables au profit des syriens.

Choisir plutôt que déduire

J'insiste sur le fait qu'il est nécessaire d'avoir des règles morales et d'envisager la problématique sous tous ses angles. L'important à mes yeux, toutefois, est de choisir ce que nous voulons et pouvons assumer. Choisir plutôt que déduire. Décider plutôt que deviser. Il importe pour chacun de nous de dépasser un dilemme moral qui nous pousse dans un statu quo intérieur : un choix clair et assumé peut se substituer à une longue hésitation qui va à l'encontre même de nos valeurs.

Si nous ne choisissons pas, ceux qui n'ont aucune moralité ou aucun scrupule - ceux pour qui la situation ne pose aucun dilemme moral - accapareront le débat. Le risque est réel que le débat publique se fasse sans nous et que les élus n'entendent que les choix des groupes de pression pour orienter leur politique pour engager nos nations. Si nous ne choisissons pas, notre hésitation fera l'affaire de dirigeants qui pourraient avoir l'impression qu'ils n'ont pas de compte à nous rendre. Ainsi, faute d'être confrontés à des opinions claires et résolues de la part de la population, nos intérêts peuvent ne pas être pris en compte lorsque viendra pour eux le temps de décider d'une politique. Car les choix sont divers et variés sur ce que nous pouvons et voulons faire pour les syriens. (Ne rien décider est en soi déjà un choix. Laisser, par dépit, nos politiciens décider pour nous également.)

En septembre 2013, la situation a à ce point dégénéré en Syrie qu'il nous incombe de reprendre l'initiative et de nous prononcer clairement. Il nous incombe de défendre notre moralité, de promouvoir une démarche assumée.

Une fois que nous avons fait un choix éclairé et que nous acceptons de l'assumer à court et à long terme, nous pouvons alors agir et défendre nos opinions avec conviction. Nous pouvons alors débattre collectivement sur la justesse de nos choix plutôt que de nous débattre individuellement avec un dilemme sans jamais s'en affranchir et en laissant des décideurs choisirs les termes du débat. Le dilemme doit être l'assise de nos choix, il ne doit pas s'y substituer.

Choisir pour aujourd'hui, mais aussi pour demain. Que fera t'on après les renoncements, après les résolution, après les bombardements?
Laissons-les se battre entre eux? Laissons-nous se battre entre eux?

Aparté (mon opinion)

Des négociations sous l'égide de l'ONU représentent à mes yeux la voie à privilégier. Le secrétaire général de l'ONU et les pays membres doivent réclamer la tenue de la seconde conférence de Genève qui devait se tenir en juillet mais qui a été reportée. Le compromis russe pour ôter au régime en place son arsenal chimique, accepté par les États-Unis, offre une opportunité inespérée. Les membres permanents doivent saisir l'occasion pour tenter de contraindre les belligérants de s'asseoir à la même table.

Protéger les civils demeure selon moi la seule priorité. Une intervention militaire d'un ou plusieurs pays sans l'accord de l'ONU est inacceptable : les mentalités des dirigeants des pays membres permanents et leur culture, mainte fois démontrée, des ambitions stratégiques et des zones d'influence n'apportera pas la paix aux syriens. Pour les mêmes raisons, l'ONU est incapable de faire preuve d'unité pour engager des casques bleus.

Par contre, un soutien économique, alimentaire et logistique à grande échelle aux réfugiés et au pays qui les accueillent est un choix réaliste qui mérite d'être promu. Une telle intervention coûtera cher mais elle permettra d'éviter une crise sanitaire imminente, tout en atténuant la menace d'une extension du conflit aux pays voisins.


En dernier recours, devant l'échec d'une conférence pour négocier l'arrêt du conflit, nous devrons rapidement nous résoudre à armer l'opposition pour qu'elle ait une chance de survie. Nous n'avons pas le pouvoir d'empêcher la probable partition de la Syrie, pas davantage que la légitimité pour décider des choix politiques à venir dans cette région.

On a l'habitude de dire qu'une image vaut mille mots. Nous avons vu trop d'images d'horreur et entendu trop peu de mots convaincants.




© Stéphane Aleixandre (2015)