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vendredi 18 novembre 2011

Les vies 1: Montréal, mon réel.

Mots clés: autobus, moustache, soleil, ville, inspiration, dans l'ordre ou le désordre.
Chiffres clés: aucun, dans l'ordre.

J'aime prendre le même autobus chaque matin. J'aime croiser les mêmes visages, les mêmes voisins de quartier qui, comme moi, inaugurent le rituel matinal de l'autobus 187 pour rejoindre le centre-ville de Montréal.
L'arrêt de bus que nous partageons est peu à peu devenu notre espace commun. Nous avons fini par nous y reconnaitre, et aujourd'hui, nous nous sourions parfois, les uns à côté des autres. Il suffit d'un simple retard de notre véhicule pour que nous commençoins aussitôt à nous parler. La première neige, je le sais, nous rapprochera inévitablement, et les mots sortiront d'eux même.

La semaine dernière j'ai souri à cet homme de mon âge qui arrive toujours deux minutes après moi. Il arborait une nouvelle et jeune moustache. Je l'ai accueilli par un sourire franc et plus ouvert que la dernière fois, car j'avais moi même songé à libérer la frêle pilosité au dessus de ma bouche. Il m'a répondu par un large sourire, déployant ainsi les ailes de sa moustache, ajoutant par le fait même les mots qui convenaient à notre discussion muette. Je n'ai pas osé lui dire que la résolution de me joindre, comme lui, au Movembre s'était envolée devant cette cruelle évidence: il me faudrait deux mois pour avoir le quart de sa moustache; mon appendice pileux ressemblerait alors au deux fils aiguisés que le toréador précieux arbore en guise de marque de distinction, et je ferais pâle figure (le mot est juste) devant le guidon de bicycle qui pousse comme du lierre sur ses joues comme sur celles des québécois. Question de gène et de gêne, donc.

Finalement, nous montons dans l'autobus 187, accueillis par le même chauffeur qui, lui, n'a pas besoin d'un prétexte pour exhiber fièrement un balai rudement fourni sous son nez. Je le salue comme chaque matin, et sa moustache me dit "bonjour!"

En route, j'observe Montréal se déployer progressivement sous mes yeux, à mesure que le spectre solaire encore allongé enflamme avec détermination le ciel, et tandis que les ombres, à présent fuyantes, s'étirent sans vertige. Des quartiers d'habitation, vers le centre ville, je lève tranquillement les yeux pensifs vers notre destination commune. Le paysage se transforme en douceur et le mouvement des individus, des groupes, des foules est souple, adapté, fluide. L'inspiration pour cette chronique me vient à cet instant, notant au passage que, contrairement à nous, les arbres se dénudent pour affronter l'hiver.L'autobus se remplit, les visages se fondent, et ...

...parvenus à destination, nous serons anonymes. Mais Montréal, elle, nous garde pour elle seule.
Je la regarde d'en bas mais je sais qu'elle ne me regarde jamais de haut. Ici chacun est libre d'exercer - et d'exprimer - sa liberté, de conserver son identité, son inspiration. Le centre ville est le foyer de mon activité quotidienne, mais une partie de mes pensées demeure toujours projetée vers le ciel dégagé, ouvert, bleu, incandescent. J'aime prendre le même autobus car son trajet et sa destination délimitent les frontières à partir desquelles je peux imaginer - puis réellement tracer - de nouvelles voies pour visiter des amis, pour changer de saison et de vocation, pour changer d'humeur et de projet.
Si Montréal prend tant de place dans ma vie, c'est parce que Montréal, depuis longtemps, me donne de la place.
                                                                                                                    

5 commentaires:

  1. tu me donnerais presque envie de prendre le bus dis donc !

    Bel hommage à Montréal :)

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  2. Pareil que SupakAt c'est un bel hommage à Montréal et aux bus.
    Le paysage et les gens se dévoilent ainsi progressivement et en douceur contrairement au métro. Tout comme il est préférable de prendre le train à l'avion...

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  3. J'aime ton romantisme du voyage Christophe mais l'Atlantique à la rame, bof-bof ;D Ok, je sors… ;)

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  4. @ SupakAt : Tu me cherches !?! ;D bon je vais aller faire un tour sur ton blog voir si je peux pas me venger :)

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  5. Pour la vengeance, fais-toi plaisir ;D

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