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mercredi 16 novembre 2011

Internet : l’illusion de la gratuité.

Un jour votre facture internet pourrait ressembler à toutes vos autres factures; elle vous indiquera le prix à payer pour chaque utilisation. Vous serez facturé à l’usage et vous paierez le temps passé à surfer ainsi que chaque téléchargement, tout comme vous payez chaque watt d’électricité. Ce jour là, la facturation à l’usage d’internet aura remplacé votre forfait illimité. Une évidence qui passait inaperçue dans le forfait vous sautera alors aux yeux : télécharger des fichiers piratés n’est pas gratuit. Chaque téléchargement se paie en frais de connexion à internet. En effet, depuis que vous êtes abonnés à internet, en enrichissant votre répertoire de musique de fichiers musicaux que vous pensiez gratuits, vous enrichissez votre fournisseur d’accès à Internet (FAI). Prévoyons d’ailleurs que ce mode de facturation est un prélude, une opportunité pour augmenter les prix de l’utilisation de la bande passante.

En voyant votre facture augmenter a fur et à mesure de vos utilisations, vous aurez peut-être le réflexe de vous insurger contre cette pratique et vous direz que décidément, il y a un intermédiaire de trop entre vous et le créateur de musique. C’est en tout cas ainsi que vous avez réagi lorsque vous avez eu la possibilité de contourner les maisons de disques en découvrant que le téléchargement pouvait remplacer le CD, un morceau de plastique bien plus fragile et bien plus cher que les anciens supports qu’il prétendait révolutionner. Internet vous avait alors donné l’occasion de juger que les maisons de disques se faisaient beaucoup d’argent (le votre) sur le dos des créateurs.
Mais voilà que maintenant ce sont les fournisseurs d’accès qui se font de l’argent (toujours le votre) sur le dos des créateurs.

Or il y a une différence de taille entre l’industrie de la musique et l’industrie des câblodistributeurs (les fournisseurs d'accès à internet: les FAI) : les maisons de disques réinvestissent une partie de ce que vous payez dans la création, ce que ne font pas les FAI.
Vous mesurez alors toute la différence entre un fichier piraté pour lequel vous ne payez que votre fournisseur internet, et un fichier non piraté pour lequel vous payez également le créateur.
La gratuité est un leurre, tout se paie.

Le nouveau modèle d’affaire de l’industrie de la musique existe depuis plusieurs années : il consiste simplement à vous vendre de la musique via internet plutôt que via un CD. Ce n’est pas encore un modèle rentable, mais ce n’est pas tant la faute des téléchargements illégaux que du fait de cette guerre commerciale que se livrent l’industrie de la musique et l’industrie des FAI, depuis que les premiers ont perdu le contrôle du vrai support - l’accès à internet - au profit des seconds qui ont investi pour sa mise en place.

La décision récente du CRTC d’imposer des facturations à l’usage pour les sous-traitants des FAI permet d’y voir plus clair : vous payerez pour chaque téléchargement et les forfaits illimités seront chose du passé, tout comme l’accès gratuit à internet qui a prévalu les premières années fait partie de l’histoire. Les formes multiples et la fréquence démultipliée de l’utilisation d’internet, ainsi que le volume sans cesse plus grand de données qui y transitent nous conduisent chaque jour davantage vers son plus grand encadrement juridique, commercial, éthique.

La question que nous devrions nous poser et qui constitue l’enjeu principal de la facturation d’internet est : à qui va l’argent que nous dépensons? Car une fois admis le fait que nous payons pour chaque utilisation, il devient normal de réclamer qu’une partie de cet argent revienne à ceux qui ont créé le contenu des fichiers téléchargés.

En effet, n’oublions pas que, hormis le fait que tout produit ou service a un prix – et la musique coute si peu au regard de sa durée d’utilisation qui elle, est réellement illimitée, - la musique est une création immatérielle, et la rémunération de son créateur ne peut avoir lieu que lorsque celle-ci est reproduite. Cet article aurait d’ailleurs pu vous parler de films, d’images ou de livres, la démonstration serait la même.

L’usage d’internet n’est pas qu’une question de coût, il est également - et simultanément - une question de valeur.

3 commentaires:

  1. Ton point de vue vient apporter un éclairage assez novateur sur la question :)

    Je ne partage peut être pas totalement à 100% ton avis.
    Certes, tout se paie, mais pas forcément dans les mêmes proportions que du temps du support (CD, livre, etc.) et certainement pas de la même façon.

    Je pense réellement qu'on est passé du produit (musical, littéraire…) aisément commercialisable au service (de création et distraction culturelle) dont la commercialisation est plus aléatoire et pour lequel ce n'est pas le consommateur final qui paie la note (je pense notamment au blogues de bloggueurs professionnels ou la rémunération du bloggueur ne provient pas directement des lecteurs).

    Je crois qu'on a trouvé un sujet de discussion qui va nous occuper des heures si tu veux mon avis ;)

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  2. La gratuité n'est pas un leurre.

    Quand je paye mon FAI pour tout sorte de chose, si en plus (sans frais supplémentaires) je télécharge un fichier piraté, ma foi ça me semble gratuit.

    De plus "tout comme l’accès gratuit à internet qui a prévalu les premières années fait partie de l’histoire" est assez faux. Nombre d'enseigne en France et ailleurs (fastfood, hotels, gares...) offrent des accès gratuit (sans filtres pour surfer et télécharger comme je veux).
    C'est une tendance qui évolue et un service qui deviendra je pense incontournable. Il est donc possible (a part l'achat d'un PC avec wifi) d’accéder gratuitement à des tas de choses.
    Le problème reste comment rémunérer l'artiste avec tout ces intermédiaires plus ou moins gourmand et proposer une culture accessible à tous. Car qui chercherai à pirater un système qui serait beaucoup plus juste (pour nous et l'artiste) ?

    Maintenant le FAI ne reste t il pas juste un des chemins comme une voiture pour aller au magasin de musique ? Doit on demander au marques de voiture de financer les œuvres musicales ? Je ne pense pas.

    Enfin ça me parait dans la l'évolution des choses...qui viendrait me reprocher aujourd'hui de photocopier un livre dans un bibliothèque et me traiter de pirate ?

    En résumé payer pour un original (objet CD) oui mais pour une copie (souvent de qualité inférieure) non.

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  3. Personnellement, je juge responsable les éditeurs (de musique et de livres) de la dépréciation du produit CD/livre auprès du public.

    A démultiplier le nombre de produits et d'œuvre publiées en espérant qu'un faible pourcentage d'entre eux sortent du lot pour contre-balancer les pertes induites par le lancement des autres et faire un bénéfice, on a divisé par autant la qualité du produit et de l'œuvre aux yeux d'un acheteur qui, de toute façon, ne peut tout acheter.

    Il est incroyable de voir que chaque produit et oeuvre qui sort désormais a une date de péremption (non-mentionnée bien sûr). Un "hit" musical dure le temps d'un été, très rapidement remplacé par un autre puis un autre, puis un autre (pour prendre un exemple : LMFAO ne restera pas dans les annales si tu veux mon avis… Ouf, tant mieux !)

    Un produit et une œuvre de qualité (je parle bien des deux aspects à chaque fois) aurait une durée de vie bien plus longue et une rentabilité bien meilleure. Il faut juste accepter la part de risques qu'une œuvre et son support ne trouve pas son public… enfin… son acheteur.

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